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| Sujet: La Démocratie Internet. Promesses et limites Ven 17 Sep 2010 - 12:44 | |
| La Démocratie Internet. Promesses et limitesArticle publié dans la version Web du journal français "Le Monde", à la rubrique "Livres" (Edition du 16 septembre 2010, Auteur : Gilles Bastin).En 1996, le musicien rock John Perry Barlow, membre actif des premières communautés virtuelles du Net et fondateur de l'Electronic Frontier Foundation - un groupe de défense des droits des individus dans le monde digital -, rendit public une audacieuse "déclaration d'indépendance du cyberespace". Signifiant par là qu'Internet devait s'émanciper des lois imposées par les Etats et s'inventer une Constitution propre, il annonçait la formule provocatrice par laquelle le juriste américain Lawrence Lessig devait résumer, une dizaine d'années plus tard, l'espérance d'émancipation radicale portée par les pionniers du réseau : "Le code, c'est la loi !" Comme si l'informatique pouvait définir de nouvelles normes et de nouvelles libertés.Objet de fantasmes et de craintes, Internet serait donc aussi un laboratoire politique. Le lieu où s'expérimentent, pour le sociologue Dominique Cardon, des solutions alternatives à la démocratie représentative et finalement jusqu'à "l'avenir de la démocratie ". Sur Internet, en effet, le public "sous contrôle", qui est celui des systèmes politiques représentatifs, s'émancipe. "Il prend la parole sans qu'on le lui demande, note l'auteur. Il s'expose sans vergogne pour créer de nouveaux liens sociaux. Il produit des connaissances sans s'en remettre à d'autres. Il définit lui-même les sujets dont il veut débattre. Il s'organise lui-même." Dominique Cardon s'attache ici à établir les principes fondamentaux de la "démocratie Internet" : présupposition d'égalité, à l'image de l'encyclopédie Wikipedia abondée également par tous ; force des liens faibles qui coalisent les intérêts et font émerger des causes par le simple partage de l'information ; coopération, auto-organisation, préférence pour le consensus dans les processus de prise de décision, etc. Espace public en clair-obscurCependant, Internet est aussi, pour Cardon, un espace public en "clair-obscur", où il ne suffit pas de déjouer les mécanismes de la représentation a priori pour éviter de les voir resurgir a posteriori. Le risque est grand, en effet, que, dans cette démocratie rêvée, au sein de laquelle chacun serait libre de contribuer au débat public, seul un petit nombre atteigne à la visibilité. Comme l'algorithme plébiscitaire qui permet à Google de guider l'internaute dans ses recherches et détermine donc ce qui est visible et ce qui ne l'est pas dans la cité digitale, la "loi" du code est parfois celle du plus fort ! Des promesses et des limites, ce sont pour Dominique Cardon les premières qui l'emportent. Pour nuancer cette position, on lira avec profit, en complément, le livre que le même auteur consacre, avec son collègue Fabien Granjon, à l'histoire du "médiactivisme" : cette contestation en acte des médias "dominants" qui conduisit aussi bien des mouvements sociaux que des individus isolés à se faire eux-mêmes leur propre média afin de produire, tout au long du XXe siècle, "d'autres manières de raconter le monde". Car le développement d'Internet est ici analysé comme l'aboutissement d'un processus long d'activisme médiatique, de la presse révolutionnaire aux médias communautaires et du cinéma militant aux radios libres. Le "réseau" y gagne quelques titres de noblesse mais il s'en trouve aussi relativisé dans sa portée émancipatrice. Dans la lutte qui oppose, selon Cardon et Granjon, tout au long de l'histoire du "médiactivisme", les tenants d'un combat idéologique contre l'hégémonie médiatique et ceux d'une plus modeste expression des voix minoritaires, l'Internet "participatif" et "horizontal" dans lequel nous sommes entrés avec Facebook et Twitter relève clairement de la deuxième position. Très peu politisé - sauf peut-être dans les pays qui ne garantissent pas la liberté d'expression et où il a permis l'émergence de mouvements sociaux, comme récemment en Iran -, il ne garantit nullement que la "guerre harassante pour la visibilité" dont il est le théâtre débouchera un jour sur l'émancipation des plus faibles. LA DÉMOCRATIE INTERNET. PROMESSES ET LIMITES de Dominique Cardon. Seuil, "République des idées", 102 pages, 11,50 €. MÉDIACTIVISTES de Dominique Cardon et Fabien Granjon. Presses de Sciences Po, "Contester", 148 pages, 12 €. Et vous, qu'en pensez-vous ? Exprimez-vous !Permalien : http://bit.ly/9di9KH | |
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